L'agriculture et les effets néfastes de l'aide alimentaire

 La réaction humanitaire face à la catastrophe du 12 janvier 2010 a été à la hauteur du désastre, et il faut espérer qu'elle se maintienne et se coordonne davantage. Cependant, deux mois après le passage de "l'artiste" (selon une expression utilisée pour décrire le séisme qui a entièrement redessiné la capitale), il est nécessaire de prendre du recul face à cette intervention internationale.

 René Préval, le président Haïtien, est intervenu pour demander de suspendre l'aide alimentaire directe (Radio Métropole :  "L'aide alimentaire doit cesser"). Celle-ci a en effet de mauvaises répercussions sur la stabilisation de l'économie locale :
 > En proposant de manière aléatoire et non planifiée de fortes quantités de denrées alimentaires gratuites, elle empêche la remise sur pied du petit commerce, essentiel pour la survie de nombreuses personnes, notamment des femmes pour qui cette activité représente souvent l'unique source de revenu. 
 > Disponible uniquement dans les zones les plus touchées, elle provoque un reflux des réfugiés qui reviennent des campagnes et s'installent dans des camps très précaires pour bénéficier de ces distributions. Elle favorise ainsi une logique de dépendance et d'assistanat dans des conditions déplorables et sans aucune dynamique de développement. 
 > Sur un autre plan, cette arrivée de denrées étrangères concurrence la production locale et appauvrit les paysans qui possèdent pourtant, selon certains, la capacité de nourrir l'ensemble de la population. Elle n'incite pas les cultivateurs à profiter de cette période de plantation et risque, si elle se poursuit, de déstabiliser encore davantage l'agriculture locale et de favoriser à long terme un nouvel exode rural vers des bidonvilles reformés.

Un article du Nouvelliste "les pièges de l'aide" du 12 mars 2010 explique la démarche proposée : "l'aide offerte généreusement à Haïti depuis le 12 janvier doit se muer en effort de reconstruction. Plus d'eau, plus de riz, plus de tentes. Des semences, des tracteurs, du travail et des maisons. Fini l'urgence et ses débordements". L'article évoque cependant la nécessité de contrôler les circuits de l'aide à la reconstruction pour éviter la corruption. Le problème de l'urgence se confronte par ailleurs aux risques à venir face à l'arrivée de la saison des pluies et d'éventuels ouragans, qui pourraient provoquer un nouveau désastre humain à grande échelle.

Un article publié dans Le Monde du 17 mars revient sur cet appel à une inscription de l'aide dans un processus de développement durable : 'Sauver l'agriculture, nouvelle urgence d'Haïti". Le Monde illustre bien ce nouvel enjeu : "si le secteur agricole n'a pas été le plus éprouvé par le tremblement de terre lui-même, il est le seul capable de répondre aux conséquences humanitaires du séisme". Des projets de soutien et d'encadrement du secteur agricole semblent se préparer ; il faut cependant noter que de nombreuses campagnes demeurent toujours dépourvues de la moindre aide.


Pauline L., le 17 mars 2010 

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